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"Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble !" (Psaume 67)

mardi 2 juin 2015

La prière de Jésus: comment et pourquoi ? (1) : la pratique concrète.

par Mgr Kallistos Ware




Prière et silence

L'hésychaste, l'homme qui a atteint l'hésychia, paix et silence intérieurs, est par excellence celui qui écoute. Il écoute la voix de la prière de son propre coeur, et il comprend que cette voix n'est pas la sienne mais celle d'un Autre lui parlant au-dedans.

"Pourquoi tant parler ? La prière, c'est Dieu qui fait tout en tous." (Grégoire le Sinaïte) La prière c'est Dieu  - ce n'est pas quelque chose dont j'ai l'initiative, mais à quoi j'ai part ; ce n'est pas essentiellement quelque chose que je fais, mais que Dieu fait en moi : telle la phrase de saint Paul : " Non pas moi, mais Christ en moi " (Ga 2,20).
La vraie prière, donc, signifie la redécouverte et la " manifestation " de cette grâce baptismale. Prier, passer de l'état où la grâce est présente dans nos coeurs secrètement et inconsciemment au point de pleine perception interne et de connaissance consciente en expérimentant et en " sentant " l’activité de l'Esprit directement et immédiatement. Ainsi s'expriment saint Kallistos et saint Ignace Xanthopoulos (XIVe siècle) : " Le but de la vie chrétienne est de revenir à la grâce parfaite de l'Esprit Saint, source de vie, qui nous a été donnée au commencement dans le divin baptême. "
" Dans mon commencement est ma fin. " Le but de la prière peut se résumer dans ces mots : " Deviens ce que tu es. " Deviens, consciemment et activement, ce que tu es déjà potentiellement et secrètement, en vertu de ta création à l'image de Dieu et de ta re-création dans le baptême. Deviens ce que tu es : plus exactement, reviens à toi-même ; découvre-le, celui qui est déjà tien ; écoute-le, celui qui jamais ne cesse de parler en toi ; possède-le, celui qui même maintenant te possède. Voici le message de Dieu à quiconque veut prier : " Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé. "

Mais comment allons-nous commencer ? Comment pouvons-nous apprendre à cesser de parler et à commencer à écouter ? Au lieu de simplement parler à Dieu, comment pouvons-nous faire nôtre la prière dans laquelle Dieu nous parle ? Comment devons-nous passer de la prière exprimée par des mots à la prière silencieuse, d'une prière " d'effort " à une prière " qui agit d'elle-même " (pour utiliser la terminologie de l'évêque Théophane), de " ma " prière à la prière de " Christ en moi " ? Un chemin pour qui veut entreprendre ce voyage intérieur est l’Invocation du Nom.


"Seigneur Jésus…"

Il n'y a pas de règles fixes et invariables, imposées nécessairement à ceux qui cherchent à prier ; il n'y a pas non plus de technique mécanique, soit corporelle, soit mentale qui puisse forcer Dieu à manifester sa présence. Sa grâce est toujours accordée comme un don gratuit et ne peut être gagnée automatiquement par une méthode ou une technique.
En quoi, demandons-nous, résident la séduction particulière et l'efficacité de la Prière de Jésus ? Peut-être avant tout en quatre points : premièrement, dans sa simplicité et sa souplesse ; deuxièmement, dans son caractère complet ; troisièmement, dans la puissance du Nom ; et quatrièmement, dans la discipline spirituelle de la répétition persévérante. Reprenons ces points dans l'ordre. 
[NB les points 3 et 4 seront présentés dans un prochain article, ici ne figurent que des extraits des points 1 et 2]


1. Simplicité et souplesse

L'Invocation du Nom est une prière d'une très grande simplicité, accessible à tout chrétien, mais elle conduit en même temps aux plus profonds mystères de la contemplation.
Pour marcher, il faut faire un premier pas ; pour nager, il faut se jeter à l'eau. C'est la même chose pour l'Invocation du Nom. Commence à le prononcer avec adoration et amour. Adhères-y. Répète-le. Ne pense pas que tu es en train d'invoquer le Nom ; pense seulement à Jésus lui-même. Dis son Nom lentement, doucement et tranquillement.
La forme extérieure de la Prière est apprise aisément. Fondamentalement, elle consiste en ces mots : " Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi. " Il n'y a pas là, cependant, une stricte uniformité. La formule verbale peut être raccourcie, nous pouvons dire : " Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi ", ou " Seigneur Jésus "·, ou même " Jésus " seulement, bien que cette dernière formule soit moins répandue. Inversement, la formule peut être allongée en ajoutant " pécheur " à la fin, soulignant ainsi son aspect pénitentiel.
Une partie de la valeur remarquable de la Prière de Jésus réside précisément dans le fait que, en raison même de sa simplicité radicale, on peut la dire dans des conditions où des formes plus complexes de prière ne sont pas praticables. Elle est particulièrement secourable dans les moments de tension et de profonde angoisse.
" Priez sans cesse ", insiste saint Paul (1 Th 5,17) : mais comment est-ce possible puisque nous avons beaucoup d'autres choses à faire également ? L'évêque Théophane indique la vraie méthode dans sa maxime : " Les mains au travail, l'intellect et le coeur avec Dieu.
Cette " libre " récitation de la Prière de Jésus est complétée et renforcée par l'usage " formel ", quand nous concentrons toute notre attention à dire la Prière à l'exclusion de toute activité extérieure.
Plus caractéristique est l'avis de l'évêque Théophane : " Ne t'inquiète pas du nombre de fois où tu dis la Prière. Que ton seul souci soit qu'elle jaillisse de ton coeur avec la force vivifiante d'une fontaine d'eau vive. Chasse entièrement de ton esprit toute pensée de quantité. "

Dans tout cela on peut voir que l'Invocation du Nom est une prière pour tous les temps. Chacun peut l'utiliser, partout et toujours. Elle convient au débutant aussi bien qu'à celui qui a plus d'expérience ; on peut la dire en compagnie d'autres personnes ou seul ; elle est également appropriée au désert ou en ville, au milieu d'une tranquillité recueillie ou dans le tapage et l'agitation la plus grande. Elle n'est jamais déplacée.


2. Caractère complet

La Prière de Jésus renferme en elle-même toute la vérité de l'Évangile ; c'est " un résumé des Evangiles ". Dans une seule et courte formule, elle incorpore les deux principaux mystères de la foi chrétienne, l'Incarnation et la Trinité. Elle parle, d'abord, des deux natures du Christ l'homme-Dieu (théanthropos) : de son humanité, car il est invoqué par son nom humain, " Jésus " que sa mère Marie lui a donné après sa naissance à Bethléem ; de son éternelle divinité, car il est aussi appelé " Seigneur " et " Fils de Dieu ". En second lieu, la Prière parle par implication, quoique non explicitement, des trois personnes de la Trinité. Tandis qu'elle s'adresse à la Seconde Personne Jésus, elle le fait aussi au Père, car Jésus est appelé " Fils de Dieu " ; et le Saint-Esprit est également présent dans la Prière, car personne ne peut dire : " Jésus est Seigneur, sinon dans l'Esprit Saint " (1 Co 12,3). Ainsi, la Prière de Jésus est à la fois christocentrique et trinitaire.
Le " moment " de l'adoration, du regard vers la gloire de Dieu et la rencontre dans l'amour ; et le " moment " de la pénitence, le sens de l'indignité et du péché.
Ces deux moments - la vision de la gloire divine et la conscience du péché de l'homme - sont unis et réconciliés dans le troisième moment, quand nous prononçons le mot " pitié ". La " pitié " indique que l'abîme entre la " justice " de Dieu et la création tombée est comblé. Celui qui dit à Dieu : " aie pitié ", se plaint de sa propre impuissance, mais lance en même temps un cri d'espérance. Il ne parle pas seulement de péché mais de son dépassement. Il affirme que Dieu dans sa gloire nous accepte, bien·que nous soyons pécheurs, nous demandant en retour d'accepter le fait que nous sommes acceptés. Ainsi, la Prière de Jésus contient non seulement un appel au repentir mais une certitude de pardon et de salut. Le coeur de la Prière - le Nom même de Jésus - signifie précisément le salut : " Vous l'appellerez du Nom de Jésus, car il sauvera son peuple du péché. " (Mt 1,21). Alors qu'il y a tristesse pour le péché dans la Prière de Jésus, ce n'est pas une tristesse sans espoir mais une tristesse " créateur de joie ", selon l'expression de saint Jean Climaque († c. 649).

Pour la présentation biographique de Mgr Kallistos Ware, cliquez ici

Extraits tirés de : WARE Kallistos, in Elisabeth Behr-Sigel, Le lieu du coeur : 
Initiation à la spiritualité de l‘Église orthodoxe, Paris, Cerf, 1989. 

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