Introduction à la foi orthodoxe.
Extraits d'un commentaire du père Lev Gillet paru initialement dans La Voie: bulletin de la Communauté orthodoxe française en 1930.
Source: http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/credo-levgillet.htm
Les pères conciliaires et l'empereur Constantin tiennent le texte du concile de Nicée. |
Je
crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre,
et toutes les choses visibles et invisibles
Πιστεύω εἰς ἕνα Θεόν, Πατέρα, Παντοκράτορα, ποιητὴν οὐρανοῦ καὶ γῆς, ὁρατῶν τε πάντων καὶ ἀοράτων.
Dieu a créé par amour. Il aime et crée par le même
acte. Dieu a fait l’homme intelligent et libre pour que l’homme à son tour pût
aimer. Tous les phénomènes de l’univers sont une manifestation de activité
divine.
Il n’y a pas, sur ce point, de contradiction entre
la science et la foi. La foi en la création n’est pas attachée à telle ou telle
théorie cosmologique. C’est à la science qu’il appartient d’examiner librement
des problèmes tels que l’âge de notre planète, la formation du système solaire,
la genèse et l’évolution des espèces vivantes. Quels que soient les résultats
atteints par la recherche scientifique, ces résultats ne peuvent aller contre
notre foi. Celle-ci se borne à affirmer que Dieu-Amour est l’origine, le sens,
et la fin de tout ce qui existe.
Et
en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous
les siècles. Lumière de Lumière, vrai Dieu de Vrai Dieu, engendré, non créé,
consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.
Καὶ εἰς ἕνα Κύριον Ἰησοῦν Χριστόν, τὸν Υἱὸν τοῦ Θεοῦ τὸν μονογενῆ, τὸν ἐκ τοῦ Πατρὸς γεννηθέντα πρὸ πάντων τῶν αἰώνων· φῶς ἐκ φωτός, Θεὸν ἀληθινὸν ἐκ Θεοῦ ἀληθινοῦ, γεννηθέντα οὐ ποιηθέντα, ὁμοούσιον τῷ Πατρί, δι' οὗ τὰ πάντα ἐγένετο.
Le Père se fait connaître à nous
par son Fils. Nous sommes tous des fils de Dieu, mais quelqu’un est
« le » Fils de Dieu, dans un sens unique et exceptionnel. Ce Fils, ce
médiateur n’a pas été créé ou adopté. Il procède du Père par naissance
spirituelle. Celui qui nous appelons Fils, c’est la Parole, le Verbe ou la
Pensée éternelle du Père : Au commencement étaient la Parole, et la Parole
était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait
sans elle. En elle était la vie (Jn 1,1-4). La Parole de Dieu est pour nous
« le Seigneur », le maître, le guide suprême, la Lumière. Cette
lumière, qui, venant dans le monde, éclaire tout homme... À tous ceux qui l’ont
reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1,9-12). La
Parole de Dieu n’est pas une abstraction, mais une réalité vivante. Elle s’est
montrée à nous sous une forme humaine et réelle, en la personne de Jésus de
Nazareth, que nous appelons Christ (« oint ») et Messie
(« envoyé »). L’Église confesse que Jésus, le Fils, est
« consubstantiel au Père » ; et, tout en proclamant qu’il est
vrai homme, elle l’adore comme vrai Dieu.
Qui pour nous, Hommes, et pour
notre salut, est descendu du Ciel, s’est incarné du Saint-Esprit, et de Marie
la Vierge et s’est fait homme.
Τὸν δι' ἡμᾶς τοὺς ἀνθρώπους καὶ διὰ τὴν ἡμετέραν σωτηρίαν κατελθόντα ἐκ τῶν οὐρανῶν καὶ σαρκωθέντα ἐκ Πνεύματος Ἁγίου καὶ Μαρίας τῆς Παρθένου καὶ ἐνανθρωπήσαντα.
Et la
Parole a été fait chair et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de
vérité (Jn 1,14). C’est cette union de la Parole de Dieu avec une nature
humaine, en la personne de Jésus, que nous appelons le mystère de
l’Incarnation.
L’Église
professe que la naissance du Christ fait exception aux conditions ordinaires de
la vie de la chair, et elle a formulé la doctrine de la « conception
virginale » par l’opération du « souffle » divin ou
« Saint-Esprit ». La Parole s’est fait chair « pour nous et pour
notre salut ». En effet, le plan divin avait été profondément troublé.
L’humanité, usant de sa liberté, s’était détournée du Dieu-Amour pour suivre
les voies du bonheur égoïste. Cette infidélité première, ce « péché
originel », avait introduit dans le monde la souffrance et la mort, tant
physiques que spirituelles. Il fallait vaincre le mal, réconcilier ce qui était
séparé, sauver ce qui était perdu. Il fallait diviniser la nature humaine.
Telle était l’oeuvre de salut réservée à la Parole faite chair.
Il a été crucifié pour nous sous
Ponce Pilate, a souffert a été enseveli.
Σταυρωθέντα τε ὑπὲρ ἡμῶν ἐπὶ Ποντίου Πιλάτου, καὶ παθόντα καὶ ταφέντα.
En résistant à la tentation, en guérissant, en pardonnant, en
annonçant la « bonne nouvelle », déjà le Christ nous sauvait. Mais il
a voulu accomplir jusqu’au suprêmes exigences de son amour pour nous : Il
n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn
15,13).
Sa mort sur la croix nous a
« rachetés », non dans un sens juridique ou commercial, comme si le
Père réclamait une expiation sanglante du péché humain, mais parce que l’acte
intérieur d’amour et d’offrande dont le crucifiement était l’expression visible
réparait, et bien au-delà, toute révolte des hommes contre le Père et
provoquait dans nos coeurs une réponse de conversion. La croix, que Jésus a voulue
pour lui-même, est devenue le signe et la condition nécessaire de toute vie
chrétienne : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il prenne sa croix et
me suivre (Lc 9,23).
Et Il est ressuscité le troisième
jour selon aux Écritures ;
Καὶ ἀναστάντα τῇ τρίτῃ ἡμέρα κατὰ τὰς Γραφάς.
La conviction des disciples, que la pierre du
tombeau n’avait pas enseveli à jamais leur Maître et son oeuvre, est devenue la
foi de toute l’Église. Celle-ci proclame qu’il ne faut pas chercher parmi les
morts celui qui est vivant (Lc 24,5). Le fait de la Résurrection ne peut être
ni démontré, ni nié sur le plan purement historique, et il ne peut même pas
être pleinement « réalise » par la pensée humaine. C’est un mystère.
Mais la réalité de ce mystère est atteinte par la foi et par l’expérience
spirituelle, tant individuelle que collective. La certitude et la joie de la
Résurrection sont le coeur de la piété orthodoxe : « Christ est
ressuscité des morts ! Par la mort il a vaincu la mort ; à ceux qui
sont dans les tombeaux il a donné la vie » (Tropaire de Pâques).
Et Il est monté au Ciel, et siège à
la droite du Père
Καὶ ἀνελθόντα εἰς τοὺς οὐρανοὺς καὶ καθεζόμενον ἐκ δεξιῶν τοῦ Πατρός.
Les deux symboles physiques d’une ascension
« au ciel » et d’une session à la droite de Dieu signifient, d’une
part que le Christ a pris glorieusement possession de ce « royaume »
qu’il a annoncé et où il nous a donné l’espoir d’entrer nous-mêmes (le royaume
est la vie éternelle dans le Dieu-Amour). D’autre part, qu’il occupe dans le royaume
al place unique qui, auprès du Père, est réservée au Fils : Tu es mon Fils
bien-aimé ; en toi j’ai mis toute mon affection (Lc 3,22).
Et Il reviendra en gloire juger les
vivants et les morts ; Son règne n’aura pas de fin.
Καὶ πάλιν ἐρχόμενον μετὰ δόξης κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς, οὗ τῆς βασιλείας οὐκ ἔσται τέλος.
Si certains détails de ces descriptions
contiennent une large part de symbolisme, ce serait aller contre toute la
tradition chrétienne que de voir dans le « second avènement » et le
jugement une simple image. Mais il ne faut pas se représenter une sorte de
procès judiciaire. L’homme lui-même se juge et détermine son sort selon que,
volontairement et sciemment, il s’est détourné ou approché du Dieu-Amour. La
vie éternelle ne fait que manifester le libre choix de chaque homme, inscrit
dans ses sentiments et dans ses actes.
Et en l’Esprit Saint, Seigneur qui
donne la Vie, qui procède du Père,
qui est adoré et glorifié avec le
Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.
Καὶ εἰς τὸ Πνεῦμα τὸ Ἅγιον, τὸ κύριον, τὸ ζωοποιόν, τὸ ἐκ τοῦ Πατρὸς ἐκπορευόμενον,
τὸ σὺν Πατρὶ καὶ Υἱῷ συμπροσκυνούμενον καὶ συνδοξαζόμενον, τὸ λαλῆσαν διὰ τῶν προφητῶν.
Nous
l’appelons « Seigneur », comme le Fils, parce que lui aussi est notre
maître et notre guide. Il nous vivifie, car toute notre vie spirituelle dépend
de ce « souffle ». Il est la manifestation visible du Père dans les
âmes, de même que le Fils a été sa manifestation extérieure et visible. On ne
peut séparer le Père de sa Parole et de son Souffle. C’est pourquoi le Père, le
Fils et l’Esprit sont conjointement « adorés et glorifiés », comme
étant une même essence divine en trois hypostases ou sujets. Cette formulation
théologique est due aux premiers conciles, qui, sous le nom de Sainte Trinité,
ont essayé d’exprimer le mystère du Père qui se manifeste à nos yeux par son
Fils et vivant dans nos âmes par son Esprit.
L’Esprit Saint a « parlé par les
prophètes ». Nous entendons par là que les saintes Écritures, les livres
de l’Ancien et du Nouveau Testament, ont été rédigés par les hommes sous
l’inspiration divine.
On a le droit d’appliquer les méthodes critiques
de l’histoire et de la philologie, avec la pleine liberté qu’exige la science,
à tout ce qui, dans la Bible, est susceptible d’une vérification de fait, d’une
constatation positive. Mais le contenu spirituel des saintes Écritures ne
relève d’aucune interprétation particulière. Son interprétation appartient à
l’Église, parlant sous l’action de l’Esprit.
En l’Église une, sainte, catholique
et apostolique.
Εἰς μίαν, Ἁγίαν, Καθολικὴν καὶ Ἀποστολικὴν Ἐκκλησίαν.
La
totalité des croyants formait l’Église, au sens général, en non plus local et
particulier, de ce mot. Les Apôtres déjà se préoccupaient d’organiser
solidement les communautés chrétiennes. Les communautés de l’âge apostolique
présentaient les mêmes traits généraux que les communautés chrétiennes
modernes : chacune était un groupe de « fidèles », persévérant
dans la doctrine des Apôtres, la fraction du pain et la prière (Ac 2,42), sous
la présidence d’un intendant (épiskopos, « évêque »), entouré
d’anciens (presbyteroi, « prêtres ») et de serviteurs (diakonoi,
« diacres »). La tradition « orthodoxe » - celle à laquelle
nous nous rattachons - n’admet ni les doctrines romanes sur l’autorité dans
l’Église et en particulier sur le pouvoir du Pape, ni certaines conceptions
protestantes d’après lesquelles la recherche et la découverte de la vérité
religieuse seraient chose purement individuelle. La tradition orthodoxe
professe qu’une communion existe entre les saints glorifiés et
nous-mêmes ; nous ne les adorons pas, mais nous pouvons nous adresser à
Dieu par leurs prières et nous recommander à leur intercession. En vénérant la
mémoire de Marie, Mère du Seigneur, celle des Apôtres, des martyrs et des autres
saints, en honorant leurs images et leurs reliques, c’est à Dieu, qui s’est
manifesté en eux, que l’on rend hommage : ce n’est donc pas une idolâtrie.
La vie collective de la communauté chrétienne
s’exprime surtout par les « mystères », symboles matériels efficaces
au moyen desquels nous participons aux dons divins, non d’une manière mécanique
ou magique, mais à condition que l’esprit humain assimile ces dons par la foi
et l’amour. Le mystère central, le mystère même de l’Église et de son unité,
est le « mystère de la cène » ou eucharistie : mangeant le pain
rompu et buvant la coupe de vin sur lesquels l’Église a prié, nous communions,
d’une manière non charnelle, mais réelle, au corps et au sang du Christ, au
sacrifice de sa mort, et à tous nos frères et soeurs qui sont ses membres.
L’Église est sainte, non en ce sens que tous ses membres soient effectivement
saints, mais parce que la sainteté est la vocation de tous et que l’Église
possède et offre tous les moyens de sanctification. L’Église est apostolique, parce
qu’elle se réclame de la tradition des Apôtres et parce que, par le mystère de
l’imposition des mains au moyen duquel se transmet tout office pastoral, elle
remonte jusqu’à eux.
L’Église, dans sa plus profonde réalité, est,
selon les paroles de Paul, le corps du Christ (1 Co 12,27), et selon
l’Apocalypse, l’épouse du Christ (Ap 21,9).
Je confesse un seul baptême pour la
rémission des péchés.
Ὁμολογῶ ἓν βάπτισμα εἰς ἄφεσιν ἁμαρτιῶν.
Tout
péché consiste à violer le sens divin de la vie, qui est amour. Le pécheur ne
peut redevenir juste par ses propres mérites ou par ses oeuvres (prière,
miséricorde, ascèse etc.), quoique les oeuvres soient un signe nécessaire de
justification. Il est justifié gratuitement par la participation à la vie du
Christ : Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi (Ga
2,20). Mais il faut mourir au péché - que ce soit notre péché volontaire et
conscient, ou la faute originelle dont nous sommes, non coupables, mais
solidaires - et naître à la vie nouvelle en Christ. Le mystère du baptême est
le signe efficace de cette nouvelle naissance : Si quelqu’un ne naît de
l’eau et de l’Esprit, il ne peur entrer dans le Royaume de Dieu. Le baptême est
le signe extérieur nécessaire de l’appartenance à l’Église ; mais, nous
l’avons dit, l’Église a aussi des membres invisibles qui n’ont pas reçu le
baptême de l’eau. En accordant sa grâce, Dieu n’est limité par aucune condition
matérielle. Selon l’ancienne tradition de l’Église, le mystère du « don du
Saint Esprit », renouvellement de la grâce de la Pentecôte, est lié au
baptême et se confère aussitôt après, sous la forme d’une onction, le
« mystère de la chrismation ».
La vie en Christ, reçue au baptême, peut se
perdre par des péchés ultérieurs. Le pécheur peut alors (et chaque fois) se
purifier par un nouveau baptême, non plus d’eau, mais d’esprit, qui est le
« mystère de la pénitence ». C’est le mystère du pardon divin accordé
à la repentance du coeur, comme l’Évangile nous en offre des exemples.
J’attends la Résurrection des morts
et la Vie du siècle à venir. Amen.
Προσδοκῶ ἀνάστασιν νεκρῶν. Καὶ ζωὴν τοῦ μέλλοντος αἰῶνος. Ἀμήν.
Nous entrevoyons, quoique comme au travers d’un voile, ce que pourra
être pour ceux qui se tiennent à la droite du roi - ceux qui ont cherché le
royaume de Dieu - la vie du siècle à venir. Il nous est plus difficile de nous
représenter le sort de ceux qui meurent, par leur propre choix, séparés de Dieu.
Nous l’avons déjà dit : ce n’est pas Dieu qui les juge, qui les condamne.
La mort, comme une conséquence logique, les fixe dans l’état qu’ils ont choisi
eux-mêmes.
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