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"Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble !" (Psaume 67)

jeudi 18 juin 2015

Je n'ai pas le temps de prier !

par le Métropolite Antoine Bloom



Je n’ai pas l’intention d’essayer de vous convaincre que vous disposez de beaucoup de temps et que vous pouvez prier si seulement vous le vouliez ; je veux m’entretenir avec vous des moyens de se ménager du temps au sein des tensions et de l’accélération de la vie. Je vous épargnerai toute description de la manière dont on peut créer du temps : je me bornerai à souligner que si nous essayions de perdre un peu moins de temps nous en aurions davantage. Si nous utilisons les miettes de temps perdu pour tenter de construire de courts moments en vue de la prière et du recueillement, peut-être découvrirons-nous que le temps ainsi récupéré est considérable.
Si nous réfléchissons au nombre de minutes creuses dans une journée, pendant lesquelles nous faisons quelque chose parce que nous avons peur du vide, peur de nous retrouver seuls avec nous-mêmes, nous verrons qu’il y a bien des courts moments qui pourraient appartenir à la fois à Dieu et à nous.
Mais je veux surtout parler ici d’une question qui me paraît encore plus importante : la manière dont nous pouvons contrôler et arrêter le temps. On ne peut prier que si l’on se trouve en présence de Dieu dans un état de quiétude et de paix intérieure qui affranchit de la notion du temps – je n’entends pas ici le temps objectif mesurable mais l’impression subjective que le temps file et qu’ « on n’a pas le temps ».

Il est absolument inutile de courir après le temps pour le rattraper. Loin de fuir, il se précipite à notre rencontre. Que vous désiriez ardemment que la minute qui vient soit là ou que vous n’y attachiez aucune importance, vous pouvez être sûr qu’elle arrivera. Quoi que vous puissiez faire, l’avenir deviendra le présent ; aussi n’est-il pas nécessaire de bondir du présent dans l’avenir. Il suffit tout simplement d’attendre que l’avenir devienne présent et, à cet égard, il est possible d’être totalement immobile tout en se mouvant dans le temps parce que c’est le temps qui est mouvement.
Si nous imaginons être en avance sur le temps ou sur nous-mêmes, de fait, nous ne le sommes pas. En réalité, nous sommes tout simplement pressés mais nous n’avançons pas plus vite pour autant. Voilà ce qu’il nous faut apprendre au sujet de la prière : apprendre à nous fixer dans le présent. Nous agissons souvent comme si le présent était une ligne imaginaire très ténue entre le passé et l’avenir et nous virevoltons sans cesse entre le passé et l’avenir, en franchissant continuellement cette ligne.

Il y a donc, en ce qui concerne le temps, des moments où, sans entrer autant dans le détail, il est possible de percevoir que l’instant présent est là : le passé a irrémédiablement disparu, il n’a plus d’importance sauf dans la mesure où il fait encore partie du présent, et on peut dire la même chose de l’avenir parce qu’il peut être ou ne pas être.

Voici un premier exercice :
Assez-vous et dites : « Je suis assis ; je ne fais rien ; je suis résolu à ne rien faire pendant cinq minutes. » Détendez-vous alors et pendant tout ce temps (au début vous ne pourrez pas tenir plus de deux ou trois minutes) répétez-vous : « Je suis en présence de Dieu, je suis tranquille sans bouger. » Une précaution s’impose évidemment : il vous faut décréter que, durant les deux ou cinq minutes que vous vous êtes assigné pour apprendre que le présent existe, vous ne vous laisserez pas arracher à celui-ci par la sonnerie du téléphone ou le timbre de la porte d’entrée ou encore par une impulsion énergique et soudaine qui vous pousse à exécuter sur-le-champ quelque chose qui attend depuis dix ans !
Ce point est très important parce que souvent nous donnons le change en disant : « Il faut que je fasse telle chose ; la charité, le devoir me le commandent, je ne puis la laisser ! » Vous le pouvez car à d’autres moments et par pure nonchalance vous laisserez ce travail et pour bien plus de cinq minutes.
Ce temps appartient à Dieu et vous vous installez dans ce temps de Dieu tranquillement, silencieusement, paisiblement. Au début, vous verrez combien c’est difficile et vous découvrirez soudain qu’il est de la première urgence que vous terminiez telle lettre, la lecture de tel passage.  En réalité, vous vous apercevrez bien vite que vous pouvez très bien remettre cette occupation pendant trois, cinq voire même dix minutes sans qu’aucune catastrophe ne se produise. Et si vous avez à travail qui requiert toute votre attention, vous constaterez que vous pouvez vous en acquitter plus rapidement et tellement mieux !


BLOOM Antoine, L’école de la prière, Paris, Seuil, 1972, p. 111-121

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