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"Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble !" (Psaume 67)

mardi 6 décembre 2016

"Mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur. Car il s'est penché sur son humble servante".

par Karl Barth

Vitrail du Magnificat (Taizé)


Deux femmes, une jeune et une vieille, deux créatures insignifiantes, inconnues, qui ignorent tout des problèmes de l'humanité, de l'existence et de l'essence du monde, de sa puissance et de ses démons ! Que vient faire ici la petite Marie, et que vient faire ici la vieille Elisabeth ? Qu'est-ce donc que le monde a de plus ? Rien, absolument rien, sinon qu'elles sont là, et que lorsque nous disons: rien n'a changé, cependant déjà, en secret, une création nouvelle est apparue.

Marie et Elisabeth sont inséparablement liées, non pas seulement parce qu'elles sont parentes, mais en vertu de l'unité de la promesse reçue, en vertu de la grâce qu'elles ont trouvée en Dieu. Elle se saluent l'une l'autre. Quelle incomparable salutation ! Celle de personnes humaines qui se reconnaissent parce qu'elles ont reçu la promesse de Dieu ! L'Eglise est là, là où deux personnes insignifiantes, deux simples femmes, sont liées étroitement, unies dans l'espérance qui, par la parole de Dieu, est entrée dans leur coeur. Car dans cette espérance, celui qu'elles espèrent est déjà présent.

Là où sont Marie et Elisabeth, là est le Sauveur, là est Dieu. Là aussi est Jean-Baptiste. Tout ceci est présent ; c'est déjà un événement, secret, il est vrai, mais réel dans la rencontre de ces deux femmes, de ces deux futures mères. Le Sauveur est là, et Jean le salut dès le sein de sa mère. Chaque mot d'Elisabeth est une parole qu'elle dit au Christ, au nom déjà de son fils Jean. Si Marie est bénie entre toutes les femmes, c'est qu'est béni le fruit de son corps. 

"Et Marie répondit: Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur." Comme l'écrit Luther, c'est l'oeuvre de Dieu qu'une âme magnifie le Seigneur. C'est toujours un miracle, selon la Sainte Ecriture, que Dieu agrée un être humain et que celui-ci puisse dire: Mon âme magnifie le Seigneur ! Car, qu'est-ce que signifie magnifier le Seigneur ? 
Avons-nous besoin de le magnifier ? Lui, le Très-Haut, n'a pas besoin que nous l'exaltions. Cependant, la Sainte Ecriture nous dit qu'il en est bien ainsi, que ceci fait partie de l'abaissement de Dieu vers nous dans son amour, qu'il veut être rendu grand par nous, et que cette grâce nous est faite: il m'est donné de magnifier Dieu !

Davantage: c'est dans notre misérable vie humaine que Dieu veut être rendu grand; cela aussi est vrai, infiniment vrai, dans l'amour infini et l'abaissement infini de Dieu. Et si nous demandons ce que cela peut vouloir dire rendre Dieu grand dans notre vie, voici ce que nous répondra la Sainte Ecriture. Il s'agit de quelque chose d'absolument simple, sans éclat ; il s'agit de notre petite existence, de laisser simplement Dieu être le Seigneur. 
Et pourquoi donc ? Parce qu'il est Dieu ! Pour aucune autre raison.
Non pas parce que nous pourrions nous engager avec lui dans quelque entreprise intéressante, utile et grande ; non, simplement parce qu'il est Dieu, le Seigneur. Lui, Dieu lui-même, le laisser être le Seigneur, le laisser régner sur nos pensées, nos sentiments, notre conscience, savoir qu'il veut régner et le vouloir à notre tour, c'est magnifier Dieu. C'est ce consentement au règne de Dieu qui fait que le Seigneur est alors rendu grand.

"Mon esprit se réjouit". La joie est la chose la plus rare dans le monde, la plus extraordinaire. Nous trouvons dans le monde assez d'austérité, d'enthousiasme fanatique et de zèle sans humour. Mais de la joie ? C'est que la connaissance du Dieu vivant est rare. En Dieu, notre Sauveur, si nous l'avons trouvé ou s'il nous a trouvés, en lui est la joie, comme dit Marie.

"Il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante". C'est très clair: Dieu est le Dieu des pauvres, le Dieu de ceux qui sont dans la détresse, de ceux qui y sont profondément, qui sont tout au fond de la détresse. Comment en serait-il autrement, puisqu'il est le Sauveur ? Mais précisément parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante, il se révèle comme le Dieu de grâce, comme celui qui est bon pour nous d'une bonté qui sait exactement ce que nous sommes et où nous en sommes, et qui cependant nous vient en aide. Ce Dieu nous est nécessaire ; il est vraiment Dieu ; il est celui qui jette le regarde sur la bassesse de sa servante, qui ne fait que jeter ce regard. 
Comme c'est beau ! Il suffit que Dieu jette sur nous son regarde, qu'il tourne les yeux vers nous !

Notre vocation, c'est d'être aux côtés de Marie. Car cette joie, cette élévation de l'âme peuvent être aussi, à chaque instant, notre joie. Nous n'avons qu'une chose à faire, comme Marie: laisser faire Dieu. "Qu'il me soit fait comme tu as dit."


BARTH Karl, Avent, Editions Roulet, Genève, 1948, p. 58s.
Extrait cité dans BOURGUET D., Evangile médité par les Pères: Matthieu, Olivétan, 2008, p. 17-19.