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"Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble !" (Psaume 67)

vendredi 16 juin 2017

J’étais si tranquille… ils sont venus de partout.

Suzanne de Dietrich

EPER - 18 juin 2017 dimanche des réfugiés

Seigneur, pourquoi m’as-tu dit d’aimer tous mes frères les Hommes ?
J’ai essayé, mais vers toi je reviens effrayée !
J’étais si tranquille chez moi.

J’étais organisée, je m’étais installée.
Mon intérieur était confortable et je m’y trouvais bien.

Seule, j’étais d’accord avec moi-même, à l’abri du vent, de la pluie, des voyous, et je serais restée dans ma tour enfermée !
Mais à ma forteresse tu as trouvé une faille, tu m’as forcée à entrouvrir la porte.

Comme une rafale de pluie en pleine face le cri des Hommes m’a réveillée.
Comme un vent de bourrasque, une amitié m’a ébranlée.
Comme s’insinue un rayon de soleil, ta grâce m’a inquiétée. Et j’ai laissé ma porte entrouverte, imprudente que j’étais ! Dehors, les hommes me guettaient.

Ils sont entrés chez moi, les premiers.
Il y avait tout de même un peu de place en mon cœur jusque-là c’était raisonnable.

Mais les suivants, les autres Hommes, je ne les avais pas vus, les premiers les cachaient,
Ils étaient plus nombreux, ils étaient plus misérables.
Ils m’ont envahie sans crier gare.
Il a fallu se resserrer, il a fallu faire de la place pour eux chez moi.

Maintenant ils sont venus de partout, par vagues successives… l’un poussant l’autre, bousculant l’autre.
Ils sont venus de partout, de la ville entière, de la nation, du monde… innombrables, inépuisables.


Et il ne sont plus seuls, mais chargés de bagages : bagages d’injustice, bagages de rancœur, et de haine, bagages de souffrance et de péché. Et ils traînent le monde derrière eux, avec tout son matériel rouillé et tordu, ou trop neuf et mal adapté.

Seigneur, ils me font mal, ils sont encombrants, ils sont envahissants.
Ils ont faim, ils me dévorent.

Je ne puis rien faire : plus ils entrent, plus ils poussent la porte ! Et plus la porte s’ouvre.

Ah ! Seigneur, j’ai tout perdu, je ne suis plus à moi. Il n’y a plus de place pour moi, chez moi !

Ne crains rien dit Dieu, tu as tout gagné ! Car tandis que les hommes entraient chez toi, moi ton Père, moi ton Seigneur, je me suis glissé parmi eux.




Suzanne de Dietrich (1891-1981)
Théologienne luthérienne, bibliste.
Au début de la guerre, en 1939 elle participe à la fondation de la CIMADE (Comité inter-mouvements auprès des évacués)
« La Cimade a pour but de manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur origine, ou leur position politique ou religieuse. En particulier, elle a pour objet de combattre le racisme, veiller scrupuleusement au respect des droits et de la dignité des personnes, quelle que soit leur situation.» (art. 1 des statuts)



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