L'expérience de la plénitude du Saint Esprit (Séraphim de Sarov)

Extraits de l'entretien avec Motovilov

Tirés de: Saint Séraphim de Sarov, L'entretien avec Motovilov, traduit du russe par Mme. Mouraviev, Orbey, Arfuyen, 2002, p. 69-84

Motovilov: Mais, demandais-je, petit père Séraphim, de quelle manière puis-je reconnaître si je me trouve vraiment dans la grâce du Saint Esprit ?

Séraphim: Ami de Dieu, répondit-il, c'est fort simple, Dieu Lui-même l'a dit."Tout est simple pour celui qui acquiert la Sagesse" (Pr 14,6)

Notre malheur, c'est que cette Sagesse de Dieu, nous ne la cherchions pas vraiment. N'étant pas de ce monde, elle n'est pas présomptueuse. Pleine d'amour pour Dieu et pour le prochain, elle recrée chaque homme pour son salut. […]

- Je voudrais, lui dis-je, pouvoir le comprendre encore mieux.

Alors le père Séraphim me serra fortement les épaules et dit:

- Vois ! Nous sommes, en cet instant-même, tous les deux dans la plénitude de l'Esprit Saint ! Pourquoi ne me regardes-tu pas ?

- Petit père, je n'y arrive pas ! Des éclaires jaillissent de vos yeux ! Votre visage est plus resplendissant que le soleil ! Les yeux me brûlent comme une fournaise !

- N'ayez pas peur, vous êtes devenus aussi lumineux que moi. Vous aussi, vous êtes à présent dans la plénitude de l'Esprit Saint.. S'il en était autrement, vous n'auriez pas pu me voir ainsi. […]

Que sentez-vous à présent ?

- Je me sens extraordinairement bien !

- Comment cela bien ? En quoi consiste ce bien ?

- Je ressens dans mon âme un tel silence, une telle paix…  Je ne peux les décrire par des mots.

- Ami de Dieu, c'est la paix dont parlait le Seigneur à ses disciples lorsqu'il leur disait: "Je vous donne ma paix, non comme le monde la donne. C'est moi qui vous la donne" (Jn 14,27).

Mais que ressentez-vous d'autre que cette paix ?, demanda le père Séraphim.

- Une douceur extraordinaire…

- Oui c'est cette douceur dont il est dit dans les saintes Ecritures: "Ils boiront le breuvage de ta maison et tu les désaltéreras par le torrent de ta douceur" (Ps 35, 9)

Et que sentez-vous encore ?

-Tout mon corps déborde d'une joie indicible.

- Oui c'est cela. Lorsque le Saint Esprit descend vers l'homme et le couvre de la plénitude de ses dons, l'âme se remplit d'une inexprimable joie. Car tout ce qu'Il touche, le Saint Esprit le recrée en joie !

Ami de Dieu, que sentez-vous d'autre ?

- Une chaleur extraordinaire, répondis-je. […] Une chaleur comparable à celle d'un bain de vapeur, lorsque vous êtes tout entier enveloppé dans son tourbillon.

- Et l'odeur que vous sentez, est-elle aussi comme aux bains ?

- "Oh, non pas du tout ! Il n'est rien sur terre qui puisse se comparer à cet aromate, […]  tous les parfums ne sont rien en comparaison de ceux que je sens à présent !" 

Alors le petit père eut un doux sourire et me dit:

- "Oui, je sais, c'est la vérité. Mais c'est à dessin que je vous interroge sur ce que vous sentez ! […] C'est le parfum même de l'Esprit Saint que nous enveloppe. Quelle chose terrestre pourrait lui être comparée ? [...]

Oui c'est ce Royaume des cieux qui est en nous à présent. Et c'est la grâce de l'Esprit Saint qui nous éclaire et nous réchauffe de l'extérieur. C'est elle qui embaume l'air environnant de ses parfums, qui réjouit nos sens de célestes voluptés et abreuve nos coeurs d'une inexprimable joie. [...]

- Hélas, mon Père ! Je ne sais si Dieu me rendra digne de conserver toujours en ma mémoire l'impression de cette grâce aussi vivante, aussi forte que je la sens à présent.

- Ne vous inquiétez pas, me dit le père Séraphim, Dieu vous aidera à garder tout cela dans votre mémoire. [...] Ce n'est pas à vous seul qu'a été manifesté cette grâce, mais par vous au monde entier, afin que vous vous affermissiez dans l'oeuvre de Dieu, mais aussi que vous soyez utiles à beaucoup d'autres.

Dieu cherche un coeur entièrement rempli d'amour pour Lui et pour le prochain. Voilà le trône où Dieu aime à résider et où il apparait dans la plénitude de sa gloire céleste."

(Novembre 1831)